100 faits marquants pour un siècle d’exploits au Mans (Part 5)

Dans ce cinquième et dernier volet en prélude à l’édition du centenaire des 10 et 11 juin, nous vous présentons quelques moments insolites, des anecdotes, des statistiques et des faits marquants survenus durant ce siècle fabuleux des 24 Heures du Mans.

81. AMERICAINS ET AMERICAINES Bien qu'aucun pilote américain n'ait pas participé au Mans avant 1939, des voitures construites aux États-Unis étaient déjà présentes en 1925 et même dès la première course. Charles Montier, agent commercial pour Ford à Paris, a en effet aligné un modèle T, au châssis rabaissé et à la carrosserie adaptée. La Montier-Ford a participé aux courses de 1923 et 1924. La première voiture authentiquement américaine a été une Chrysler Model 6 en 1925. 

82. LE RÊVE AMÉRICAIN. Entre 1925 et 1931, sept Chrysler ont pris part à la course, avec une troisième et une quatrième place au classement général en 1928. Stutz est un constructeur important à l'époque et neuf de ses modèles Blackhawk, commercialisés séparément, étaient engagés au Mans de 1928 à 1932, le meilleur résultat étant une belle deuxième place au général dès sa première participation. 

Bien que largement oublié, Willys était un constructeur américain assez prospère durant l'entre-deux-guerres et deux modèles ont été engagés par des équipes françaises en 1926. En 1933, puis en 1935, le prince Nicolas de Roumanie engagea la voiture la plus extravagante et la plus luxueuse jamais engagée au Mans, la Duesenberg SJ. Elle fut contrainte à l’abandon à chaque fois, tout comme d’ailleurs le constructeur américain, qui comme bien d’autres de par le monde, ne survécut pas à la Grande Dépression.

83. 'LE MONSTRE'. Ensuite, aucune marque américaine n'a plus couru au Mans jusqu'en 1950 où elles revinrent en force. Briggs Cunningham, le grand champion américain engagea deux Cadillac, une Coupe de Ville standard, grande et peu maniable même selon les normes américaines, et une autre que le public français surnomma affectueusement "Le Monstre". Cette dernière conservait le châssis de base mais était surmontée d'un châssis tubulaire et d'une carrosserie issue des premiers essais en soufflerie. La stratégie fonctionna et le duo termina respectivement aux 10e et 11e rangs. 

84. HOT SHOT. En 1951, une seule voiture américaine prit le départ. Un modèle complètement différent de ce qui se fait au pays de l’Oncle Sam : une Crosley Hot Shot qui, avec ses 725 cm3, était l'une des plus petites voitures de série construites aux États-Unis. Cunningham revint l'année suivante, cette fois avec trois exemplaires de la première d'une série de voitures issues de sa propre ligne de production, l'exquise Cunningham C4-R à moteur Chrysler Hemi. La voiture de tête, pilotée par le patron, termina quatrième, avant de se hisser à la troisième place les deux années suivantes. Après un abandon en 1955, sa société fit faillite et Cunningham pilota pour d’autres marques.

85. PREMIÈRES CORVETTES. Après une nouvelle interruption de quelques années, 1960 fut un autre moment fort avec l’arrivée des premières Corvettes au Mans. Elles étaient quatre au départ. Une de l'écurie de Lloyd Casner et les autres de Cunningham, dont l'une terminait huitième et remportait une victoire de classe. Les marques américaines ont sauté une année, mais connurent ensuite une série ininterrompue de 1962 à 1976, avec au moins une voiture made in USA au départ. C'était au tour de Dearborn, Michigan, avec des voitures motorisées par Ford, soit sous la forme de la Shelby Cobra ou plus significativement de la série GT40, inaugurant un âge d'or qui comprenait quatre victoires consécutives au classement général de 1966 à 1969. Les années 1960 ont également été marquées par des curiosités américaines telles que la Chaparral, une voiture de course sportive à ailes hautes basée sur le Groupe 7, et la Howmet, une voiture expérimentale équipée d'une turbine, ainsi que la Mustang modifiée par Shelby.

86. LE RETOUR. La Corvette de série est revenue en 1968 et remporta une victoire de classe en 1970, maintenant sa présence jusqu'en 1976. Cette dernière année vit l'apparition la plus récente d'une véritable Stock Car NASCAR, la Dodge Charger de Hershel McGriff. Une autre accalmie s’ensuivit, avec seulement une Chevrolet Monza inscrite en IMSA en 1978. En 1981 et 1982, le pilote IMSA Billy Hagan a construit une Chevrolet Camaro et a décroché une 17e place au général et une 2e place de catégorie. 

87. L'AMÉRIQUE MODERNE. L'arrivée du Groupe C et le déclin des GT engendra une douzaine d'années de disette, avant qu'une américaine n'apparaisse à nouveau au Mans. Mais de 1994 à aujourd'hui, il y a toujours eu une présence sous bannière étoilée. Dans les années 1990 et 2000, la Viper a été un pilier du GT, remportant sa catégorie de 1998 à 2000. Il y a eu des exemples de constructeurs de GT spécialisés à faible volume tels que la Corvette Callaway (victoire de classe, 1995) et la Saleen S7R à cadre tubulaire (victoire de classe, 2010). 

88. PANOZ POWER. Panoz, le plus célèbre des petits producteurs de l’époque, a disputé Le Mans de 1997 à 2007, à la fois en Prototype et en GT. D'autres noms de la classe Prototype américaine ont joué un petit rôle avec des participations de la Kudzu à moteur Mazda et de la Riley & Scott à moteur Ford. A cela s'ajoutent la Multimatic-Riley (2017) en classe P2 et l'unique Delta Wing engagée en 2012. Plus important encore, Cadillac a fait sa première incursion dans en Proto avec la Northstar LMP1 en 2000-2001. Cadillac revient dans la catégorie supérieure en 2023 comme l’une des deux marques américaines engagées en Hypercar aux côtés de Glickenhaus. 

89. CORVETTE, LA LÉGENDE. Corvette, ‘la GT américaine par excellence’ a été la voiture américaine la plus emblématique de ce siècle des 24 Heures du Mans. L'équipe d'usine a participé à toutes les éditions depuis 2000, glânant au passage neuf victoires de classe. Le passé récent a également été marqué par des départs sporadiques et parfois difficiles pour le programme Ford GT ravivé. L'équipe a remporté une victoire de classe en 2016, mais un autre succès en 2019 fut annihilé par une disqualification après la course.  

90. NATIONS UNIES. La grande majorité des voitures qui ont couru au Mans proviennent de cinq nations produisant également la plupart des voitures de course et sont plus globalement le Top 5 des producteurs automobiles au monde : la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, l'Italie, les États-Unis et le Japon. Néanmoins, quelques voitures étaient issues d'autres pays :
Belgique : Excelsior (1923)
Tchécoslovaquie : Aero Minor (1949-1950), Skoda (1950)
Suède : Saab (1959)
Suisse : Sauber (1977-1993), Sehcar (1983), Rebellion (2014)
Pays-Bas : Spyker (2002-2010)
Danemark : DBA (2003, 2005)
Espagne : Epsilon Euskadi (2008)
Russie : BR (2015-2019), Aurus (2019-2021) [rebadgé Oreca]
Canada : Multimatic-Riley (2017) [collaboration USA-Canada] 

91. SURVIVANTS. L'histoire du Mans est jalonnée de noms de marques qui n'existent plus. Quelques-uns sont bien connus comme Talbot, Triumph, Delage, Delahaye, Austin-Healey, Frazer Nash et Osca. Mais plus on remonte dans le temps, plus les noms sont inconnus. Pratiquement aucune des marques des années 1920 n'a survécu à la dépression. Il est donc intéressant de noter la première apparition de constructeurs qui continuent d'exister aujourd'hui, même sous l’égide d'entreprise différentes.

92. LA LISTE. 1923, Bentley (plus un cas particulier pour Bugatti, dont le nom a été repris par une entité indépendante dans les années 1990, et aussi pour Ford, une voiture spéciale unique basée sur Ford qui a participé aux premières 24 heures du Mans).
1925, Chrysler
1926, Peugeot
1930, Alfa Romeo, Mercedes-Benz, MG 
1931, Aston Martin
1932, Citroën
1937, BMW
1938, Fiat, Morgan
1949, Renault, Ferrari {présence continue au Mans jusqu'en 1975, 1977-1982, 1994-1999, 2002-2022)
1950, Cadillac, Jaguar, Skoda, (plus un cas spécial pour Gordini- bien qu'il ne s'agisse plus d'un constructeur distinct, le nom survit en tant que branche de Renault spécialisée dans le tuning de haute performance)
1951, Lancia, Porsche (avec une présence continue au Mans depuis lors)
1954, Maserati
1955, Lotus
1960, Chevrolet, (plus un cas spécial pour Fiat-Abarth & Abarth - bien qu'il ne s'agisse plus d'un constructeur distinct, le nom survit en tant que branche de Fiat spécialisée dans le tuning de haute performance)
1962, TVR 
1963, Alpine
1964, Ford
1970, Ligier
1975, Mazda, Datsun (sous le nom de Nissan à partir de 1986)
1976, Dodge 
1985, Toyota
1994, Honda, (nouveau) Bugatti
1995, McLaren
1997, Panoz
1999, Audi
2006, Lamborghini, Radical
2009, Ginetta, Oreca

93. PAS SEUL. Le Mans a fait partie d'un championnat mondial ou international au cours de 46 de ses 90 éditions. Ce fut le cas presque continuellement de 1963 à 1992, lorsqu'il faisait partie des différentes formules de championnats du monde et internationaux de voitures de sport et d'endurance. Il y a eu des exceptions en 1956, 1975-1977 et 1989-1990, lorsque, pour diverses raisons, il s'est déroulé hors des championnats concernés. Il n'y a pas eu de championnat international  jusqu'en 2010. 

94. TEMPS MODERNES.  En 2011, le projet pilote International Le Mans Challenge a donné naissance la saison suivante au Championnat du monde d'endurance (FIA WEC), désormais bien établi. Même lorsqu'il ne faisait partie d’un championnat, Le Mans restait le plus grand rendez-vous de la saison pour les voitures de sport et d'endurance. 

1953-1961, Championnat du monde des voitures de sport
1960-1961, Coupe GT de la FIA
1963-1971, Championnat international des constructeurs
1963-1974, Challenge mondial
1963-1964, Trophée international des prototypes
1972-1974 et 1982-1985, Championnat du monde des constructeurs
1978-1981, Challenge mondial des pilotes d'endurance
1986-1992, Championnat du monde des voitures de sport
2011, Challenge international du Mans
Depuis 2012, Championnat du monde d’endurance

95. DRAME AU DERNIER TOUR. En 2000, à l'approche de la dernière demi-heure, les Porsche de Wolfgang Kaufmann et Fabio Babini se sont accrochées. La suspension de la voiture de Kaufmann était trop endommagée pour continuer. Quant à Babini, il est rentré aux stands avec un pare-brise cassé. Le pare-brise a été réparé, mais les fixations du capot se sont détachées et le capot s'est ouvert. Babini roulait lentement en se dirigeant par la fenêtre latérale. Il rentra une fois de plus au stand pour réparer. Dans le dernier tour, la Porsche de Bruno Lambert, leader de la catégorie GT, heurta également Babini dans les graviers, un troisième incident, qui contraint le malheureux pilote italien à l’abandon en vue de l’arrivée.

96. BOUTS D’ESSAIS.  Les journées d'essais ont été organisées pour la première fois en 1959. Elles étaient organisées par courtoisie pour les équipes et n'avaient aucun lien formel avec la course et peu de restrictions d'accès. Des voitures et des pilotes qui n'étaient pas censés participer à la course y prenaient souvent part. Ce rendez-vous se tenait environ deux mois avant les 24 Heures, la date de la mi-avril offrant souvent des conditions froides et humides. Elle s'est déroulée de cette manière jusqu'en 1974. Pour rendre l'épreuve plus attrayante, une mini-endurance a été ajoutée de 1971 à 1974, d'abord d'une durée de trois, puis de quatre heures.

97. JOURNÉE D’ESSAI. La journée test a été brièvement relancée en 1986 et 1987 avec deux courses de sprint la première fois. Après une nouvelle interruption, les journées d'essais sont revenues en 1993 et ont été organisées depuis lors, à l'exception de 2009, 2010 et de 2020, pour cause de Covid. Au cours des années 1990, les séances ont commencé à être prises plus au sérieux. C'était l'occasion pour les commissaires d'observer les équipes qu'ils considéraient comme marginales afin de déterminer si elles étaient éligibles pour la course. Certaines années, les équipes de réserve étaient autorisées à participer, d'autres non. Durant la plus grande partie de ce siècle, la participation aux séances d'essais était obligatoire pour les participants à la course. Dans les années 1980 et 1990, la date des essais a été avancée à la mi-mai et, depuis 2005, ils ont lieu dans les deux semaines précédant la course. 

98. TRANSFUGES. Valentino Rossi attire l'attention grâce à son statut d'ancien champion du monde de MotoGP. Deux autres l'ont précédé : John Surtees (1961, 1963-1967) et Mike Hailwood (1969-1970, 1973-1974). Deux champions du monde des rallyes ont également couru au Mans, à savoir Colin McRae (2004) et Sébastien Loeb (2005-2006).

99. STARS DE LA F1. Vers la fin des années 1970, les calendriers de course de la plupart des pilotes sont devenus trop chargés pour faire les deux, mais jusqu'à cette époque, de nombreux champions de F1 ont couru au Mans. En plus de Surtees (le seul champion sur deux et quatre roues), il y a eu :

            Juan Manuel Fangio, 1950, 1951

            Alberto Ascari, 1952

            Mike Hawthorn, 1953, 1955, 1956, 1957, 1958

            Phil Hill, 1953, 1955, 1956, 1957, 1958, 1959, 1960, 1961, 1962, 1963, 1964, 1965, 1966, 1967

            Jack Brabham, 1957, 1958, 1970

            Graham Hill, 1958, 1959, 1960, 1961, 1962, 1963, 1964, 1965, 1966, 1972

            Jim Clark, 1959, 1960, 1961

            Denis Hulme, 1961, 1966, 1967

            Jochen Rindt, 1964, 1965, 1966, 1967

            Jackie Stewart, 1965

            Mario Andretti, 1966, 1967, 1983, 1988, 1995, 1996, 1997, 2000

            Alan Jones, 1984

            Damon Hill, 1989

            Michael Schumacher, 1991

            Keke Rosberg, 1996

            Nelson Piquet, 1996. 1997

            Jacques Villeneuve, 2007, 2023

            Nigel Mansell, 2010

            Fernando Alonso, 2018, 2019

            Jenson Button, 2018

100. 100. CHASSEUR DE RECORDS. Chasseur de records en matière de de sports d’aventure, l'aérostier Steve Fossett a participé au Mans en 1993 et 1996. Fosset a vécu une vie remarquable et a établi 91 records du monde d'aviation et 23 records de voile, dont le tour du monde sans escale et sans ravitaillement en 76 heures et 45 minutes à bord du GlobalFlyer, établissant le record du plus long vol de l'histoire pour un aéronef avec une distance de 25 766 milles terrestres (41 467 km).


Compilé par Sam Smith et Janos Wimpffen